Heurtoirs de portes
C'est dans "Le Baron de la Crasse", comédie de Raymond Poisson de 1662, que l'on peut lire ces quelques lignes :
Je cherchai le marteau pour frapper à la porte,
Mais je fus obligé, car je n'en trouvai point,
De donner seulement deux ou trois coups de poing.
L'huissier ouvre aussitôt, criant d'une voix forte,
"Qui diable est l'insolent qui frappe de la sorte ?
- Je n'ai point frappé fort, lui dis-je, excusez-moi,
C'est le désir ardent qu'on a de voir le roi.
- Mais d'où diable êtes-vous, pour être si novice ?
Dit-il. - De Pézenas, dis-je, à votre service.
Apprenez donc, Monsieur de Pézenas,
Qu'on gratte à cette porte et qu'on n'y heurte pas.
(sc.V, p. 11)
Molière dans son remerciement au roi de 1662, nous décrit ainsi la scène:
Grattez du peigne à la porte
De la chambre du Roi.
Ou si, comme je prévois,
La presse s'y trouve forte,
Montrez de loin votre chapeau,
Ou montez sur quelque chose
Pour faire voir votre museau,
Et criez sans aucune pause,
D'un ton rien moins que naturel :
"Monsieur l'huissier, pour le marquis un tel."
( v.40-49)
Ce n'est que plus tard que le heurtoir ou marteau de porte fut utilisé. Ainsi, il servait d'avertisseur sonore placé sur la face extérieure d'une porte d'entrée et venait buter sur une pièce en métal, que l'on nommait "le clou", lui-même étant apposé sur l'un des deux vantaux de la dite porte. Au XVIIIe siècle, il prend la forme d'anneau, de pendeloque ou de boucle et se décline en divers matériaux, fonte, bois ou bronze. Objet de ferronnerie richement orné, porteur de symboles, il reflète le statut social du propriétaire du lieu. Si certains d'entre eux peuvent être classés au rang de véritables œuvres d'art, témoins d'un réel savoir-faire, d'autres sont des productions industrielles du XIXe siècle.
L'Afrique
Anges ou démons
1 - Cet heurtoir apposé sur la porte d'un immeuble de style néo-classique teinté d’une touche d’Art Nouveau, représente un ange déployant ses ailes et posant son regard sur le visage bienveillant de Bacchus. Cet heurtoir dégage une ambiance positive heureuse.
2 - Les deux anges tiennent entre leurs ailes une tête de démon. Plus bas, celle du lion avec des cornes représente une bête de l'apocalypse.
4 - Deux magnifiques femmes ailées de part et d'autre retenant par leurs ailes des têtes humanoïdes avec des cornes de bélier, représentant le prince des enfers.
5 - Du plus rare, deux angelots assis sur des dauphins, regardant le visage d'un patriarche plutôt amusé.
L'Hôtel a été construit en 1714 par Pierre Grandhomme, il a été acquis en 1856 par le baron Nathaniel de Rothschild et abrite depuis 1920 le Cercle de l'Union interalliée.
Anneau en lyre, avec prise en forme de coquille, orné des deux lions entourant une ondine en ronde-bosse.
Bronze superbe d'Héraclès tenant sa massue en bois d'olivier et les deux lions à ses pieds semblent faire allégeance. Serait-ce un seul et unique lion , celui de Némée en symétrie? Ce modèle semble de facture récente.On note toutefois, deux initiales AD, à qui peuvent-elles bien appartenir?
Du raffiné et de l'élégant en cet Hôtel de Cavoye. Il est le domaine privé de la société Financière et Immobilière Bernard Tapie depuis 1986.
L’Hôtel Châlons-Luxembourg, dont les bâtiments sur rue abritaient les communs, datent de 1660. La porte et ses heurtoirs comptent parmi les chefs-d’oeuvre du 17ème siècle. Chaque heurtoir se compose en effet de deux chevaux finement ciselés encadrant un cartouche surmonté d’une couronne. Le corps des équidés se termine en volutes qui se rejoignent autour d’une tête de lion.
Autre très bel exemplaire plus récent! Des chevaux surmontés d'une couronne symbolisant le rempart d'un château enceignent un royal félin.
Petite série de heurtoirs sans doute de production industrielle du XIXe siècle se composant en partie supérieure d’un cartouche avec courbes et contre-courbes, et en partie inférieure d’une tête d’homme d’où partent deux volutes végétales sur lesquelles reposent deux putti joufflus tenant dans leurs mains un médaillon surmonté d'une tête de marmouset grimaçant, ou bien d’une coquille, parfois partiellement abimée ou manquante.
1 - Deux putti de part et d'autre tenant à bout de bras la tête d'un marmouset à la figure grotesque.
2 - Quand l'artisan donne vie à des pièces exceptionnelles, c'est toute une sensibilité artistique qui s'exprime. Ici, la platine est exceptionnelle.
12 - Très bel exemplaire d'un putto dont les bras sont entrelacés par les queues de deux dauphins, surmonté d'un visage sorti des profondeurs marines en forme de coquille.
Platine aux traits humanoïdes. On remarquera la serrure de belle dimension, on s'imagine dès lors la taille de la clé.
En dehors des personnages mythologiques, chimères, servant principalement de modèles pour les heurtoirs de porte, l'animal est parfois représenté et devient zoomorphe.
Ils s'ornent d' animaux totems tels que les loups, chouettes, renards, serpents, faucons et c'est sans oublier l'ours. Ils s'attachent une symbolique, plus particulièrement en ce qui concerne les marmousets représentant des animaux ou des têtes. Cette symbolique est issue de nos civilisations antiques et de notre passé religieux. Ils peuvent être annonciateurs de la mort ou de la bienveillance et tous porteurs de messages.
2 - Autre chouette. Magie, clairvoyance, observation, elle devine les arrières pensées, rien ne peut leur être caché.
Le lion symbole astrologique. Force prodigieuse que seuls les héros et les dieux mythologiques pouvaient maîtriser à mains nues, tel Héraclès (héros mythique grec), Gilgamesh (héros babylonien) et Samson (héros biblique). Cependant, cette force incroyable du lion pouvait aussi être vaincue par les vertus morales ou par la foi.
Gardien des portes de maison, il représente l'avertissement et la menace. Il surveille, interdit l'entrée ou attaque l'intrus qui oserait pénétrer sans le consentement de l'hôte.
Ci-dessous, on retrouve le félin seul ou accompagné de deux serpents lovés sur eux-mêmes , aux queues entrelacées, sortant de la gueule du fauve, qu'ils semblent vouloir avaler.
S'il évoque la majesté , la force et la puissance, le lion est également symbole dans de nombreuses civilisations. Ceux représentés ci-dessous tiennent entre leurs puissantes mâchoires, l'anneau symbole de l'accueil et de la protection.
9 - Celui-ci de par ses traits asiates, me fait penser au Shi , le lion gardien impérial de la Cité Interdite.
A l'identique à celui du dessus, mais trouvé dans une autre rue. Très belle reproduction industrielle.
Dragons représentations mythiques ailées crachant le feu, griffues ou recouvertes d'écailles, nées des entrailles de nulle-part. Elles sont sœurs des gorgones, ou reptiles légendaires, dragons de la Colchide ou celui du jardin des Hespérides à la queue de serpent et au souffle pestilentiel.
Très belle chimère, créature fantastique malfaisante. Une chimère est généralement considérée comme étant de sexe féminin.
La sirène...
« Tu rencontreras d’abord les Sirènes qui charment tous les hommes qui les approchent ; mais il est perdu celui qui, par imprudence, écoute leur chant, et jamais sa femme et ses enfants ne le reverront dans sa demeure, et ne se réjouiront. Les Sirènes le charment par leur chant harmonieux, assises dans une prairie, autour d’un grand amas d’ossements d’hommes et de peaux en putréfaction. »
(extrait du Chant XII de L’Odyssée)
2 - Il faudra attendre la renaissance pour que les heurtoirs, alors simples anneaux, se contournent et prennent l'apparence de chimères.
Divinité marine et ses dauphins symbolisant les sauveurs de l'humanité en péril.
Neptune (en latin) ou Poséidon (en grec) est le dieu des Mers, des Océans, des Fleuves, des Sources, des Lacs, le domaine des eaux lui appartient.
Dans cette série, des figures classiques, celles de deux dauphins tenant parfois dans leurs rostres la tête du Dieu Neptune empruntée à la mythologie marine et le tout surmonté d'une tête de marmouset. Les platines et ce dernier peuvent manquer. Ce sont des productions industrielles du XIXe siècle.
Autre personnage marin, le Triton, messager des flots , il est le fils de Poséidon et d'Amphitrite.
Certaines légendes le disent équivalent masculin des sirènes.
Symbole de puissance et de courage, le griffon est un animal fantastique gardien d'un trésor, d'un temple, d'une tombe ou d'un palais.
3 - Cet heurtoir se présente sous la forme d’une coquille et de deux crosses végétales qui se terminent chacune par une tête de griffon. Il habille la porte de l'Hôtel Tubeuf qui fut érigé en 1634 par l’architecte Le Muet pour le président de la Cour des Comptes, proche de Mazarin à qui il le vendit d’ailleurs en 1649.
Encore un animal fantastique ! La cocatrix est parfois confondue avec le basilic. Selon la légende, elle possèderait une tête de coq, des ailes de chauve-souris et un corps de serpent. On lui attribue le pouvoir de tuer. Son regard et son souffle sont dits empoisonnés.
La Bible parle de la "sagesse du serpent", car c'est avec ces derniers, que Moïse sauve le peuple d’Israël décimé par les serpents indomptés.
Mais c'est au moyen-âge, avec le serpent d'Eve dans la genèse, qu' il devient l’incarnation de la luxure, du vice et de toutes les dépravations suscitées par le Démon. Ainsi, il devient le symbole du mal.
Le serpent qui se mord la queue ou l'Ouroboros en grec ou Ourovorax en latin. L'Ouroboros, nom grec , qui signifie "oura" (la queue) et "boros" (dévorant).
C'est un serpent incurvé formant un cercle complet en tenant son extrémité dans sa bouche. En réunissant en lui début et fin, formant un cercle, il devient symbole de l'éternité.
6 - Il est a noté sur cette image des petits trous qui permettaient de se présenter à la personne derrière la porte.
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L'anneau protecteur
Les heurtoirs en forme d' anneau unique sont les plus anciens apparus dès le XI ème siècle sur les portes des églises. Ils étaient un message d’asile.
Dès le moyen âge, selon les trois premiers canons du Concile d'Orléans de 511, tout fugitif, meurtrier, adultère, voleur, qui se réfugie dans un lieu de prière, est protégé par le droit d’asile.
" Saisir l’anneau " d'une église, ou celui de la maison d'un évêque signifiait donc demander l’hospitalité et se mettre sous la protection de l'autorité du lieu.
Les anneaux peuvent être simples, de forme ronde, en carré, en boucle de gibecière ou en patte de grenouille, mais également zoomorphes ou anthropomorphes.
« Bien sembloit l’hermitage de vieil antiquité.
Cele part est alée s’a à l’uisset hurté.
D’un maillet qui là pent a sus l’uis assené »
La coquille Saint-Jacques est née d'une belle légende du moyen-âge. Les jacquets l'ont ramenée des côtes de la Galice comme preuve de leur périple. Mais bien avant cela, dès l'antiquité, on la portait en pendentif pour conjurer le mauvais sort et se protéger de toutes sorcelleries.
Elle devient une icône chrétienne et l'emblème des pèlerins. Symbolique, elle se place sous le signe de la protection et celle du voyage.
Autrefois, la clochette signalait l'arrivée des lépreux, ou encore celle des marins pour les avertir un soir de brume du danger ou encore était suspendue au clocher des églises et battait ainsi le rappel des chrétiens pour la prière, les invitant au rassemblement. Elle sonnait l’angélus trois fois par jour , afin de rythmer les travaux dans les champs ou encore le tocsin pour avertir d'évènements graves.
Elle est donc le symbole de l'alerte.
Sur les heurtoirs, elle fait figure de cloche marine, produit élaboré de l'art métallurgique.
7 - Angle de la rue de la Colombe et de la rue des Ursins (flan nord de Notre-Dame) on peut y voir cet heurtoir apposé sur la porte de l'échoppe de l' ancien repaire du bandit Cartouche (d'après la légende).
Les heurtoirs en boucles apparaissent au XVIIème et deviennent indispensables sur la porte des hôtels particuliers et maisons bourgeoises.
Les formes en « boucles de gibecière » furent très en vogue au XVIIIème siècle.
Ces objets usuels du passé, ils sont là, tout près de nous. Certains sont comme des caméléons, emmitouflés dans une robe de peinture, ou sous la patine du temps, mordus par des agressions acides.
9 - Sur l'anneau en demi-lune en son centre , on aperçoit une tête. Mais de quel tête sagit-il, animal ou marmouset ?
Série d' heurtoirs avec une tête en leur centre
Les heurtoirs en pendeloque ou marteau de porte
Les tourillons du marteau sont garantis de l’humidité par un petit toit en appentis percé d’une lucarne. Le tout est en fer forgé d’un joli travail.
Ci-dessous, toute une série de poussoirs et poignées de porte.
Poignées
1 - Très belle poignée de porte. Serait-ce là, une superbe manticore symbolisant le mal dans les bestiaires médiévaux ?
Poignées
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2 - La guivre s'enroule et se déroule
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Les poussoirs
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Voici une série de mains baguées ou non tenant une boule ou non, ayant de la dentelle au poignet. Main gauche ou droite, la bague est indifféremment engagée à l'auriculaire, l'annulaire ou le majeur. Au XIX° siècle, on trouve beaucoup de mains de femmes. Motif fréquent dans le sud, notamment en Espagne dont la symbolique serait la suprématie.
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